Fanfiction StarCraft II

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Le repli des horizons

Par Thalan
Les autres histoires de l'auteur

Chapitre 1 : Ombre, peur et être

Chapitre 2 : Esprit, Flamme et Coeur

Chapitre 3 : Augure, instinct et repli

Chapitre 4 : Départ, Arrivée et Retour

PROTOSS : L'OMBRE

Tour-cité protoss du Gouffre Noir
Hémisphère sud de Shakuras


La pièce hémisphérique semblait faite d'ivoire ou de cristal mat, et ses murs lisses étaient garnis de lignes lumineuses dans lesquelles circulait une patiente énergie bleutée. Au sommet de cette pièce, à l'intersection de toutes les lignes, se trouvait une sphère faite du même matériau que les murs, et dont partaient de nombreux cristaux, antennes et circuits pointant vers le sol. Un fin rayon bleuté, émis par la plus longue des antennes, descendait vers le centre exact de la pièce en bourdonnant doucement. Juste à côté se tenait un protoss immobile, contemplant pensivement ce rayon à mesure que ses pensées se déroulaient. Preuve de sa rage intense mais contrôlée, des émanations psychiques venaient périodiquement frapper et disperser le rayon, chaque fois qu'une pensée particulièrement intense le parcourait. Ses mains couvertes par des gants dorés et ses pieds par des chausses du même métal, il arborait également une énorme épaulette garnie d'une opale noire et son corps était couvert de bandelettes d'un blanc pur. Un Templier en civil.

Lorsqu'une gemme rouge s'illumina à un endroit du mur, le protoss en question recula de quelque pas et se fit attentif. Quoique qu'il fût parfaitement calme en apparence, de minuscules éclairs d'électricité statique parcoururent l'anneau générateur de lame énergétique de son gantelet gauche, qu'il cacha dans son dos. Un pan de la paroi coulissa alors vers le haut, révélant la silhouette hautaine d'un autre protoss. La robe ample et sombre de celui-ci et les multiples colliers et amulettes qu'il portait l'identifiaient clairement comme un Judicateur, un dirigeant spirituel et politique siégeant au Conclave. Le Templier se calma et vint à son camarade, en direction duquel il leva paisiblement la main.

« En taro Adun, ami. Je suis heureux de te voir, même si les circonstances nous obligent à la prudence. J'ose croire que tu es déconnecté du Conclave, et que tes pas n'ont point été imités ?

- En taro Khas, ami. La crise actuelle m'a hélas appris à surveiller mes pas et mes pensées, tu peux donc être tranquille. Le temps est toutefois compté avant que quelqu'un ne cherche à me joindre et ne vienne me trouver, aussi sois bref je t'en prie... même si je ne doute pas que tes nouvelles soient aussi importantes que tu me l'a suggéré.

- Bien. J'ai demandé à l'un de mes disciples de lancer une inspection de routine des lieux à cette heure précise, aussi un drone arrivera t'il d'un instant à l'autre ; j'y ai caché le témoignage que j'ai obtenu. En l'attendant, je puis te mettre une nouvelle fois en garde : Zeratul ne désirait pas que ces informations se répandent ; où qu'il soit maintenant, tu encours sa colère à apprendre ce qui m'amène ici.

- Il ne dépend que de toi que ces informations ne se répandent pas plus... » fit le Judicateur en effleurant l'un des murs. Celui-ci se fit alors translucide, puis complètement transparent, révélant les innombrables pointes de la Tour-cité, et le gouffre immense au-dessus duquel elle se dressait.

« ...découpe cette fenêtre et jette toi dans ce gouffre, nul risque alors que tes informations se répandent. Mais si tu estime devoir me les confier, alors cesse ce jeu de l'innocent : j'ai bien compris quels sont les risques, et je saurai les assumer le moment venu. Dis-moi, à présent.
-Bien. Tu sais qu'il y a six révolutions, Zeratul et sa flotte ont cessé d'émettre et ont disparu hors du rayon de nos plus lointains observateurs. Les évènements qui l'ont mené à ne pas rentrer directement sur Shakuras, après sa défaite sur Char, sont inconnus même à moi... mais on murmure qu'un sort funeste se serait abattu sur la matriarche des templiers noirs. En tout cas, nous savons que sa flotte à fait un détour avant de disparaître, afin d'inspecter une mystérieuse Lune noire sur laquelle des signatures énergétiques protoss avaient été détectées. Zeratul n'a pas révélé ce qu'il a découvert sur là-bas, et le champ magnétique extrêmement puissant dont est entouré cette lune gène considérablement les observateurs... mais parmi les disciples qui l'entouraient se trouvait l'un de mes servants, qui a pu me faire parvenir de très importantes données.
-Peu de Templiers ont autant de disciples que toi, et aucun ne les manipule à ta manière... si tu te conformais plus à la Khala, tu serais Grand Templier depuis longtemps, ami.

- Peu m'importe de monter plus haut dans cette hiérarchie aussi rigide et aveugle qu'un mur d'argus pur ! Avec tout le respect que je te dois, je considère que la Khala est une métaphore à interpréter plutôt qu'un code à suivre à la lettre... et mes disciples me suivent dans cette voie. »

Une gemme rouge s'illumina alors en un point du mur, et les deux protoss passèrent immédiatement à une conversation plus inoffensive, comme si les deux amis qu'ils étaient évoquaient leur passé commun. Le pan de mur concerné s'éleva alors et un drone entra, flottant dans les airs avec une grâce aérienne. Tandis que le drone passait en revue les différents systèmes de la pièce, ses yeux cristallins analysants les lignes d'énergie bleutées des murs, le Templier s'approcha doucement de lui. Sans donner la moindre instruction psychique, car le drone pouvait être espionné par un de leurs adversaires politiques, il activa de ses longs doigts une série de points à l'arrière du cerveau électronique de la machine ; dont la protection s'ouvrit avec un ronronnement. Là, entre les différentes matrices cristallines qui composaient l'intelligence de l'appareil, se trouvait un corps étranger qu'il préleva avant de refermer la coque. Leur conversation reprit alors tranquillement, jusqu'à ce que le drone aie fini son inspection et sorte de la pièce. Le protoss leva alors sa main et l'ouvrit, faisant jouer la faible lumière de Shakuras sur une perle de cristal bleue brillante.

Le Judicateur s'approcha, et fixa son regard sur le cristal de données : « Vous êtes un audacieux, Kassar.

- C'est pourquoi tout me réussit, Feldaris. »

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HUMAINS : LA PEUR

Chantiers orbitaux du Combinat Kel-Morian
Cuirassé L'Antietam en orbite basse autour de Moria


Lorsque la porte de l'ascenseur coulissa devant le Capitaine Rayne, celui-ci était encore en train de vérifier la parfaite netteté de sa coiffure dans le hublot de la cabine. La coupe courte et militaire de ses cheveux noirs de jais était pourtant éclatante, déjà dix fois vérifiée ; de même que l'absence de pli sur son costume neuf. Détachant son regard de la glace, il s'aperçut qu'à l'autre bout du couloir deux soldats le regardaient d'un air goguenard, le sourire au coin des lèvres mais n'osant rompre leur posture de garde. Rayne passa en trombe, et fut extrêmement soulagé une fois la porte suivante dépassée. Il s'essuya le front.

D'une détermination sans faille au combat, porté par un sens stratégique inné et une foi en l'Humanité inculquée dès son plus jeune âge, il avait la présence et le détachement d'un aigle une fois à bord de son vaisseau ; le courage du lion lorsque les ennemis étaient en vue ; et l'endurance d'un loup lorsque c'était nécessaire. Mais jamais, au grand jamais, il n'avait supporté les réunions d'état-major. Commander des hommes, il pouvait le faire ; corriger personnellement les trajectoires de ses pilotes lui était naturel ; même prendre lui-même les armes ne lui faisait pas peur... trouver un costume soigné, savoir quelles décorations accrocher et comment saluer chacun des hommes qu'il allait rencontrer, cela lui fichait la trouille. Arrivé devant la salle de réunion, il se répéta le listing des officiers convoqués comme une mantra :

« Vice-amiral Jarl, Capitaine Irusk, Capitaine Rau, Capitaine Engiel... »

Enfin il osa presser un doigt sur le verrou électronique, qui lui répondit par un « bip » discret et fit coulisser la cloison. Il eut été bien plus sûr de lui si seulement la porte avait révélée une bande de zergs affamés, plutôt que la dizaine d'officiers qui se retournèrent alors vers lui. Rayne entra, longea d'un pas lourd et cadencé la table des officier et salua d'une poignée de main cordiale tous les hommes présents... ce qui fut rapide, le désastre de la campagne de Koprulu ayant plus que sévèrement taillé les rangs de la flotte du Directoire. Chacun des officiers présents dirigeait à priori un cuirassé et les survivants qui l'occupaient ; ce qui donnait au Vice-amiral Jarl, le plus haut gradé d'entre eux, le commandement de neuf cent hommes en tout et pour tout. L'ambiance n'était plus celle du départ de la Terre, avec ses salles de réunion bondées d'officiers aussi détendus que déterminés ; et le vide restant dans la salle diluait les paroles de chacun comme si leurs spectres les buvaient. Quelques instants plus tard, le Capitaine Sivik entra d'un pas hésitant et s'installa avec un eux d'un air sombre, sa toute nouvelle prothèse manuelle tapotant la table avec un bruit métallique. La réunion était au complet.

« Messieurs » fit le Vice-amiral Jarl « Vous savez tous à quoi nous en sommes réduits. Le combinat Kel-Morian ne nous loue cette station qu'en échange du support de nos vaisseaux scientifiques, et cette situation ne durera que le temps que les leurs soient au point. Dans la mesure ou les nuées de Kerrigan peuvent apparaître à chaque instant, ils n'oseront pas nous attaquer, mais il est hors de question pour eux de se rallier au Directoire : ils connaissent notre politique coloniale et n'ont pas envie de voir leur planète sucée jusqu'à l'os. Nous ne pouvons donc compter que sur nos hommes et nos vaisseaux, ce qui rend impossible tout conflit ouvert ; le débat est ouvert, messieurs, qu'allons-nous faire ? Je tiens à souligner un seul point, mais il est essentiel : aucun d'entre nous ne reverra de toute façon les vertes prairies de la Terre ou de Mars, alors enlevez-vous cette idée de a tête. Ce que nous devons décider à présent, c'est ce que nous allons faire du temps qui nous reste... »

Suivit un long silence. Les visages étaient graves, et celui de Rayne ne l'était pas moins. Il s'était engagé pour la gloire de la Terre, et n'avait pris part à l'expédition que par admiration pour l'Amiral DuGalle. Aujourd'hui, celui-ci était mort, et le capitaine n'avait aucune envie de devenir à son tour un petit tas de poussière spatiale. Il se demandait d'ailleurs à quoi servait tout cet apparat dont ils s'entouraient encore et qui le tourmentait tant ; à quoi bon un beau costume si une lame zerg peut à tout instant surgir et le recouvrir de votre sang. Perdu dans ses pensées, il faillit manquer la première intervention du Capitaine Rau :

« De toute façon, il nous faut oublier sans hésiter le Combinat Kel-Morian. Moria est riche, très riche, et compte beaucoup pour sa défense sur des mercenaires... ce que nous sommes, finalement ! Mais dès que les nuées surgiront de l'hyper-espace, leurs guerriers leur tourneront le dos : les zergs inspirent une trop grande crainte. Les vers quitteront la pomme, si vous me passez l'expression, et Moria tombera entre les mains de Kerrigan comme un fruit trop mûr. Sans sa planète-mère, le Combinat sera ensuite désagrégé morceau par morceau... »

Un Capitaine dont le nom échappait déjà à Rayne -qui maudit sa mémoire défaillante et se remis à suer légèrement- interrompit alors le débat :

« Pardonnez-moi de vous couper, Capitaine, mais je suis en désaccord avec vous tous. Le Vice-amiral affirme que nous ne pouvons compter sur les morians, et vous-même avouez à présent qu'ils ne peuvent compter sur nous... croyez-vous que l'heure soit à la division ? Notre seule tentative d'alliance, menée avec les protoss, a failli nous donner la victoire, et nous ne ferons que faciliter la tâche des zergs en nous séparant ainsi. »

Le Vice-Amiral s'enflamma en réponse : « Nous servons le Directoire, Galley, et à travers lui l'Humanité entière. Peu nous importe la chute des colonies du secteur Koprulu, nous devons fournir le maximum d'information à la Terre et la préparer à l'assaut zerg... si elle tombe, le Directoire tombera avec elle, et la race humaine disparaîtra dans les mois suivants. Quelques millions de vies, et les nôtres sont comprises, ne valent rien face à cette éventualité. Vous cherchez encore une solution pour sauver votre vie et celle de vos hommes, Capitaine, je le comprends mais ne le tolèrerai pas. Nous allons vendre nos vies, ce n'est plus une question de choix mais... de temps. »

Rayne sentit sa nuque se glacer... risquer sa vie pour le bien commun ? C'était son métier. La sacrifier... une perspective à laquelle il s'était préparé, mais qui ne le laissait pas indifférent pour autant. Quoi que dise Jarl, il y aurait probablement un moyen de sauver son vaisseau... il n'avait pas survécu jusqu'ici pour qu'un simple Vice-amiral les envoie au suicide.

Tous ses problèmes de costume et de présentation balayés par ces réflexions, il retrouva le calme glacial et la maîtrise de soi à laquelle il était habitué. Inconsciemment, il défit sa cravate et ouvrit quelques boutons de sa chemise pour se mettre à l'aise ; ce que personne ne releva. Le regard de Rayne croisa celui du Capitaine Galley, et il se retint de lui faire un léger rictus de connivence... chacun jaugeait ses pairs pour savoir sur qui compter, et se ranger tout de suite dans un camp n'était probablement pas une excellente idée. Les discussions reprenaient à voix basse, par groupes de deux ou trois, mais lui n'y prêta aucune attention... très loin à l'échelle humaine, mais beaucoup trop proche à l'échelle de l'espace, un petit point brillant irrégulièrement s'approchait à grande vitesse des chantiers spatiaux...

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ZERGS : L'ÊTRE

Des pulsations retentirent. Et accélérèrent. Des étoiles apparurent soudain, se multiplièrent, puis tourbillonnèrent follement jusqu'à former une image dont le sens mit un long moment à émerger des ténèbres de son cerveau. Une lueur rougeâtre et vague l'éclairait, tamisée par un matériau épais mais vaguement translucide, et parcouru des veines rouges voire violettes qui charriaient un liquide visqueux et froid. Certaines de ces veines se détachaient en un point de la paroi et se rassemblaient entre elles, s'entremêlant comme des racines folles, pour converger vers le centre de la petite sphère qu'il occupait. Une partie d'entre elles se dirigeaient alors vers lui, plongeant quelque part dans l'ombre de son abdomen ; les autres se plantaient comme des tuyaux palpitants dans le ventre de son frère jumeau pour lui attribuer sa part de nutriments et de métabolites... à mesure que sa vision s'améliorait, il distingua des détails de plus en plus fins...

Déformés par une croissance au rythme dément, leurs corps semblaient se remodeler en permanence ; des lobes s'ouvrant en organes étranges comme des fleurs sanglantes qui éclosent, des plaques dermiques jaillissant comme des épines puis migrant à la surface de leur peau, des veines croissant et se ramifiant ça et là en rampant juste sous leur peau ; tout ceci composait un tableau surréaliste et mouvant, difficile à supporter aussi - mais pas pour lui. Les griffes en pleine croissance de son frère étaient prises de spasme, comme si il s'imaginait trancher de ces coutelas de chitine une proie acculée... rêvait-il, où était-il simplement frustré de n'avoir encore de quoi satisfaire ses instincts ? Ce genre de question ne le traversait pas... son esprit frustre se limitait aux fonctions les plus basiques, manger et suivre la meute, et aucun stimulus ne l'aiguillonnait encore. Un bref flash traversa la paroi, attirant son attention. D'autres suivirent, de plus en plus nombreux et puissants, et un vague sentiment de peur se mêla à sa curiosité... le liquide dans lequel il baignait trembla, et son frère ouvrit soudain les paupières. Les veines autour d'eux enflèrent et blanchirent soudain tandis qu'une dose massive d'hormones les parcouraient, le phénomène se propageant à travers les veines jusqu'à... eux.

L'oeuf énorme et glauque, déjà fragilisé par ses veines dilatées, explosa en lambeaux sanglants sous les coups frénétiques et les spasmes des deux zerglings ; qui dégagèrent leurs gorges du liquide matriciel visqueux en poussant tous deux un cri aigu et hululant... un instant, ils se calmèrent. Quelques mètres devant les deux créatures prostrées et haletantes, une baie vitrée craquelée révélait le spectacle d'une bataille spatiale furieuse... des ombres quittaient la station en catastrophe, esquivant les attaques suicides des masses et les spores vivants des mutalisks, tandis que des cuirassés déjà enflammés bombardaient au hasard dans la masse des zergs tout en tentant de quitter le champ de bataille. Les explosions et les brefs jets de lumière des lasers se reflétaient sur les carapaces visqueuses des deux jeunes zergs, dont les yeux rouge sang s'enflammèrent soudain d'eux-mêmes... au-delà de la baie vitrée, un Seigneur venait de tourner la tête vers eux, et sa poussée psychique les intégra instantanément à la ruche. Fort des instructions qu'ils venaient de recevoir, les deux zerglings s'élancèrent soudain, pulvérisant sans hésiter le verre renforcé qui leur faisait face et jaillissant d'un bond sauvage dans le vide spatial...
PROTOSS : L'ESPRIT

Lorsque le Templier Kassar lâcha la perle de données dans le fin rayon bleuté qui lui faisait face, celle-ci s'immobilisa un centimètre plus bas, comme si elle venait d'atterrir au creux d'une main invisible. Après une seconde d'hésitation, elle se redressa et se mit à luire fortement... un instant plus tard, l'image tridimensionnelle d'une planète apparut. Sombre et stérile, sa surface grisâtre était ridée par les cicatrices zébrées séparant ses continents : simples traits vus depuis l'orbite, mais gigantesques sillons de montagnes et rifts au sol, qui trahissaient l'activité tectonique monstrueuse de son coeur métallique. Une sphère transparente vint se superposer à cette image, matérialisant les limites du champ magnétique généré par le noyau extrêmement dense de la planète, et l'attention du Judicateur Feldaris se porta sur la petite lune noire qui orbitait là, dissimulée aux sondes et isolée des transmissions par ces perturbations électroniques. Une cachette idéale.

« Cette petite lune... » Reprit Kassar « ...n'a pas de nom, mais cela n'a guère d'importance. Le point clef de ce témoignage est constitué par les séquences qui vont suivre, et sois assuré qu'aussi extraordinaires qu'elles paraissent, elles sont absolument -dangereusement, devrais-je dire- crédibles. Je me suis refusé à en tirer trop de conséquences pour l'instant : les perspectives, quelles qu'elles soient, sont funestes. »

Plusieurs séquences se succédèrent alors, saccadées, montrant des zélotes déchiquetant des installations terrans puis des chambres de stase, un fin tremblement dans l'image révélant la présence de combattants furtifs dans la mêlée. Puis vint une image qui se figea quelques secondes, celle d'une chambre de stase où flottait un protoss amaigri, visiblement transpercé par d'innombrables tuyaux et sondes. Avant qu'une remarque ne puisse être échangée, le cristal de données enchaîna sur la vision d'un archon noir aux yeux littéralement flamboyants, dont les émissions psychiques saturaient le cerveau d'un pilote de tank humain au point de le faire tirer sur ses alliés. Puis une nouvelle coupure.

« Là. La séquence est mauvaise, mais sois attentif, ami. »

L'image montrait à présent le haut templier Zeratul, qui avait abaissé son camouflage psychique, contemplant d'un regard sidéré les données d'innombrables écrans... ces données, analysées et traduites par le projecteur, s'affichèrent clairement sous l'image. Feldaris mit plusieurs secondes à admettre le sens de ce qu'il lisait, qui concordait terriblement avec l'image torturée sur laquelle son regard se riva : au centre de tous ces écrans, dans la cuve verdâtre contrôlée par les ordinateurs, se tenait une créature humanoïde boursouflée au point d'être méconnaissable, une horreur munie de griffes, de crocs et de plaques de chitine luisantes, et dont le crâne déformé portait les traces - corrompues mais identifiables - d'une origine protoss. Une voix mystérieuse entama le dialogue avec Zeratul, mais ses paroles exactes restaient incompréhensibles malgré le traitement électronique... un passage, un seul, put être retranscrit par l'ordinateur : « Vous pouvez détruire tous les spécimens que vous trouverez ici, cela ne changera rien... un très grand nombre de mondes ont déjà été fertilisés par ces hybrides ! ». L'image se brouilla sur la vision de Zeratul, furieux, déchiquetant le monstre... mais Feldaris resta immobile bien longtemps après que la séquence se soit arrêtée.

Kassar respecta son silence un long moment, puis pris la parole :

« Un hybride artificiel. Le recombinat ultime de la « perfection de forme » zerg et de la « perfection d'essence » protoss, tel qu'évoqué par les passages les plus obscurs de la Khala, et dont la légende prend racine dans l'époque reculée du temps des Xel'Naga. Il faut croire, mon ami, que les craintes mystiques de nos ancêtres n'aient été le pressentiment d'un projet sombre et vaste, dont les ramifications longtemps demeurées dans l'ombre s'apprêtent aujourd'hui... à porter leurs fruits. »


HUMAINS : LA FLAMME

Une main collée à la vitre blindée du poste de commandement, l'autre tenant son transmetteur, le Capitaine Rayne sentit l'adrénaline retomber légèrement lorsque les navigateurs de l'Antietam lui confirmèrent que l'objet qui approchait en avait obtenu l'autorisation. Voyant sa concentration, le Vice-amiral Jarl se détacha des conversations et vint à lui :

« Rayne, que se passe t'il ? Un problème au niveau de ce vaisseau en approche ? » Il sortit sa visière de commandement de sa poche et utilisa son zoom pour cibler le vaisseau. Rayne, en attendant, ne put que se maudire de ne pas avoir pris sa propre visière avec lui : il avait eu trop peur qu'elle ne fasse un pli sur son costume, ce qui, après coup, paraissait complètement idiot... il se maudit une deuxième fois pour être aussi nerveux avec le protocole, mais le Vice-amiral lui tendit son appareil et activa le transmetteur du col de son costume. « Vous avez raison, Capitaine, ce vaisseau est en feu ! Je ne sais pas comment il est arrivé jusqu'ici malgré tout, mais si les zergs sont si proches il nous faut immédiatement rejoindre nos postes respectifs ! »

Rayne positionna la visière -guère plus grande et épaisse qu'une grosse paire de lunettes- devant ses yeux, et zooma sur le vaisseau en approche. Le temps que l'appareil fasse le point, il s'aperçut que des flammes d'un blanc presque pur s'échappaient en divers endroits d'un des compartiments moteurs ; tandis que des jets de fumée embrasés, qui noircissaient au contact du vide spatial, étaient expulsés en plusieurs endroits de la coque. Probablement un réacteur en surchauffe non contrôlée, et un incendie beaucoup plus généralisé dans les circuits inter-ponts... comment bon dieu avait-on laissé s'approcher ce tas de ferraille prêt à sauter ? La visière lui confirma toutefois que le vaisseau décélérait suivant le protocole standard, et qu'il restait donc du monde à bord pour le commander. Il rendit sa visière au Vice-amiral, qui venait de renvoyer les capitaines à leurs cuirassés et s'adressait à présent à son transmetteur : « Navigateurs, engagez la procédure de désarrimage de tous nos vaisseaux ; qu'ils se tiennent prêts à s'éloigner d'un bon millier de kilomètres dès que leurs capitaines seront à bord ! L'Antietam reste sur place, que les artificiers se tiennent prêt pour un tir Yamato - si ce vaisseau n'explose pas avant de s'arrimer, il reste une chance pour qu'il soit bourré de zergs ! -. Capitaine Rayne pourquoi êtes-vous encore ici ? »

« Vice-amiral, avec votre autorisation j'aimerais me préparer à monter à bord du vaisseau dès qu'il sera connecté aux docks ; il reste des hommes là-dedans, et ils ont besoin d'aide. » Jarl resta songeur un instant, puis lui fit un hochement de tête affirmatif. Pendant que Rayne courait vers l'ascenseur, et qu'une lueur orange s'allumait dans toutes les sirènes, il capta encore quelques mots du Vice-amiral : « Attendez que le Capitaine Rayne soit descendu pour nous désarrimer, et ordonnez à son vaisseau -Le Leuthen, je crois- de s'éloigner sans l'attendre. Qu'une escouade de flammeurs se tienne prête à... » La porte de l'ascenseur se referma, et le tube de métal se mit à foncer vers le bas. Profitant de ces instants de répit, Rayne déboutonna la veste de son costume de commandement : pour progresser dans le vaisseau incendié, il allait devoir enfiler une combinaison de flammeur lui aussi. Il espéra que les réacteurs attendraient gentiment qu'il soit sorti avant d'atteindre leur masse critique... il s'était déjà pris, une seule fois, une arme nucléaire dans la tronche, et le moins que l'on puisse dire est que ça ne lui avait pas plu.

Deux minutes plus tard, il finissait de refermer son armure de flammeur et d'en activer tous les systèmes quand un des hommes de l'escouade tapota sur sa visière pour lui proposer une cigarette. Il refusa d'un geste rapide tout en finissant le check-up de sa combinaison, et pensa : « Jamais ce genre de truc, c'est à peine moins avilissant que ces idiots accros à leur stimpack... même si je en vérité, je doute qu'aucun d'entre nous aura le temps de crever d'un cancer du poumon. » Enfin prêt, il ordonna à son escouade de reculer tout à l'arrière du hangar où ils patientaient : si ça explosait, ou que le cuirassé ratait sa manoeuvre, mieux valait mettre quelques mètres entre eux et la baie vitrée. Soudain la proue de l'appareil apparu, en avance rapide, et tous purent contempler les grands jets de flammes qui s'échappaient des tuyères. Le vaisseau ralentissait rapidement et, quand son corps arrière vint s'immobiliser face à eux, Rayne ordonna à ses hommes de le suivre vers le sas... il faudrait quelques instants encore avant que le cuirassé soit arrimé à la station, mais mieux valait les empêcher de contempler les flammes qui ravageaient ses coursives. Enfin, quinze longues secondes plus tard, une borne orange s'alluma au-dessus de la cloison, qui s'ouvrit l'instant d'après et libéra un torrent d'air surchauffé. Les deux marines qui se tenaient derrière s'écroulèrent sur le sol, six autres qui se tenaient contre les murs s'avancèrent en titubant, les plus vaillants ramassant leurs camarades au passage.

« Des infirmières vous attendent à deux cent mètres vers la station, appelez-les si vous ne pouvez vraiment plus avancer. Combien d'hommes encore à bord, et où ?
- Le capitaine et ses navigateurs au poste de pilotage, et ils sont sûrement coincés. Des ingénieurs dans la salle des machines, ils n'émettent plus depuis un moment. Probablement des survivants coincés dans les coursives extérieures, là où la température est seulement insupportable.
- Vu ce qui s'échappe des réacteurs, vos ingénieurs sont probablement réduits à des petits tas de viande radioactifs... on fera faire un scan par le vaisseau scientifique qui se ramène, si il peut détecter quoi que ce soit dans cette purée nucléaire. Courrez à l'abri, les gars ! » Puis à ses hommes : « En avant, direction le poste de pilotage ! Surveillez tous les tuyaux que vous longez, ils n'attendent sûrement qu'un frôlement de votre part pour vous péter à la gueule ; et alertez-moi à la moindre défaillance de vos combis, je ne veux pas vous voir cramer sur place. Go ! Le premier qui me sort une blague à propos de barbecue, je l'envoie mesurer personnellement la radioactivité du coeur des réacteurs ! »


ZERGS : LE CŒUR

Les deux zerglings, lancés de toute la force de leur musculature extraterrestre, traversèrent d'un bond puissant la baie vitrée qui explosa en milliers de fragments... instantanément plongés dans le vide spatial, ils semblèrent chuter au ralentis tandis qu'autour d'eux un nuage brillant de particules gelées se formait. De complexes processus métaboliques se mirent en place au coeur de leurs êtres, isolant leurs organes internes du froid glacial et potentialisant les radiations solaires dangereuses en recyclant l'oxygène de leurs cellules... des paupières fines et dorées vinrent recouvrirent leurs yeux rouge sang, et leur vision revint : ils flottaient à présent au coeur d'une fine brume d'oxygène, dérivant librement depuis la station vers un cuirassé qui venait de se détacher des docks. D'autres zerglings tentaient ça et là la même manoeuvre, et la plupart furent cueillis par un tir de laser lourd un instant à peine après s'être lancés. L'un d'entre eux rata le vaisseau et continua sur sa lancée, agitant inutilement ses griffes à quelques mètres des hublots... aucun seigneur ne se risquerait sous le feu du cuirassé pour récupérer un pauvre sous-être, et il serait bientôt satellisé à jamais autour de la petite planète que la Nuée avait envahie. Mais poussés par la force de la Nuée, aucun des zergs présents ne ressentait la moindre peur.

Le plus petit des deux zerglings ouvrit la bouche en un cri silencieux de frustration lorsque le cuirassé, qui venait de finir son demi-tour, engagea ses réacteurs et commença à bouger. Son frère, toujours aussi nerveux, se mit à battre ses pattes de colère, mais ses mouvements n'avaient d'effet ni sur sa trajectoire ni bien sûr sur sa cible... soudain, le plus petit vit deux masses s'écraser sur les réacteurs du vaisseau dans des gerbes de fluides corrosifs verdâtres, bientôt remplacés par un couple de panaches de fumée noire. De nombreux mutalisks se dirigeaient à présent vers cette nouvelle cible, dont la vitesse diminua sensiblement sous les assauts multiples... le zergling reprit espoir. Arrivé à quelques mètres de l'appareil, il écarta ses membres à la limite de la désarticulation, s'apprêtant à saisir la moindre prise, et vit son frère faire de même... les griffes de ce dernier raclèrent la surface des réacteurs, ricochèrent sur une tuyère puis se plantèrent dans le réticule d'une caméra externe. Lui-même longea la surface des réacteurs sur quelques mètres, racla du bout d'une griffe le métal... puis fut englouti dans les jets d'ions surchauffés d'un blanc pur.

Son frère, qui courait sur le blindage du vaisseau en cherchant une ouverture, resta immobile une longue seconde, le regard vide... puis fut rappelé à la réalité par un autre zerg, qui frappait la paroi du vaisseau en rythme pour signaler une brèche. Comme les autres, il accourut d'instinct et plongea dans la plaie béante et fumante, ouverte par l'explosion d'une masse. Il avait cru, un instant, à la disparition de son frère jumeau, mais il ne semblait pas inquiet. Il sentait, entre les multiples entrelacs brûlants de la toile psychique qui le commandait, que pulsait encore le premier lien spirituel qu'il eu jamais connu.

Séparés, mais vivants pour l'instant. Un léger réconfort.

Seule comptait la Nuée.
PROTOSS : L'AUGURE

-Tour-cité protoss du Gouffre Noir-
- Hémisphère sud de Shakuras -

Tendant le bras d'un geste souple, Kassar saisit la perle de donnée qui flottait face à lui et la ramena près de son visage. Le rayon bleuté qui la soutenait disparu après un instant, laissant les circuits d'énergie de la pièce diminuer doucement en luminosité. Tandis qu'il fixait intensément le petit cristal au creux de ses mains, celui-ci fut parcouru d'innombrables nuances allant du bleu le plus glacé au blanc le plus pur ; puis s'éteignit après qu'une courte série de points brillants s'y soient manifestés. Ses ordres psychiques avaient été exécutés. Il défit alors légèrement les bandelettes épaisses qui recouvraient son bras droit, et y cacha la perle avant de les resserrer soigneusement. Enfin, il s'immobilisa un instant, comme si il réfléchissait à ses prochaines paroles, puis se retourna vers son compagnon resté songeur tout ce temps :

« Les données sont effacées, Feldaris, mais l'original est bien sûr en sécurité. Tu es trop intelligent pour me demander où. » A ces mots, le judicateur sembla se réveiller :

« Sur toi, j'imagine... beaucoup croient connaître le labyrinthe de prévoyance et d'ingéniosité qu'est ton esprit, mais peu savent, je crois, à quel point tu aime le danger.

- Aurais-je pris le risque, alors, de faire amener la copie par un drone ? Ce serait inconsidéré... ou délicieusement habile.

- Je t'en crois capable, ami, avec tout mon respect, mais laissons là. Je n'ai nul besoin que tu tente de me distraire, mon silence n'est dû qu'à l'intensité de mes réflexions et non à une quelconque trace de peur. Nombreux sont les augures, Kassar, et peu nous sont favorables. En taro Khas. »

« Ce salut, déjà inhabituel... » pensa Kassar « ...et tu le répète comme une mantra... ô mon ami, quels que soient tes mots, je crois que tu as peur. Cette nouvelle arrive au mauvais moment pour toi, alors que ta position est déjà précaire auprès du Conclave, qui lui-même lutte pour retrouver son influence... soit. Les dés sont jetés à présent, et je te crois assez habile politique pour tirer parti de l'évènement. » Le templier avait abaissé légèrement ses défenses psychiques instinctives, laissant son ami discerner en partie ces pensées... Feldaris ne releva pas, mais repris la parole :

« Quel sera le résultat de la fusion des génomes protoss et zerg ? Comment es t'elle seulement possible ? Nos deux espèces sont issues de deux ordres du vivant complètement différents, ayant évolué à partir de bases et de mécanismes différents, dans des environnements distincts ! Crois-tu que ces fous, qui qu'ils soient, aient mis au point une interface entre les codes ? Une interface non seulement génétique, mais aussi protéique et psychique ? Un travail de titan, débouchant sur des chimères instables et maladives... l'intérêt en semble limité.

- Il existe une autre possibilité. Bien pire. Il se peut que cette fusion ait été opérée parce qu'elle était possible... parce que quelque chose l'avait prévu.

- Quelque... ? Les Xel'Nagas ? Leurs manipulations génétiques ont présidées à l'évolution de nos deux races jusqu'à leurs formes actuelles... leur génie en ce domaine reste inégalé, les zergs eux-mêmes n'en on pas réassimilé la totalité... c'est possible. Mais si ils avaient prévus cette fusion, l'ont-ils dirigée ? Leur race est éteinte !

- Nous le pensions... mais je n'exclue aucune hypothèse, à présent. Ou peut-être ont-ils laissés des serviteurs chargés de compléter leur tâche. Dans un cas comme dans l'autre, ceux qui agissent aujourd'hui ont manifestement attendus que des conditions précises soient réunies, peut-être l'atteinte par les zergs d'un certain point d'évolution... à moins que l'assimilation par la Nuée de grandes quantités de matériel génétique protoss, lors de l'invasion d'Aiur, ait été une occasion qu'ils ont saisis.

- Cessons là ! Nous n'avons pas assez d'éléments pour tirer de conclusions sur leur nature ou leurs motivations, alors concentrons-nous sur la menace... de quoi sont donc capables ces créatures ? Tu sembles avoir pris ton temps avant de me contacter, ami, vu l'avancement de tes réflexions... as-tu aussi bien réfléchi à cela ?

- Je t'averti parce que le Conclave doit l'être. Parce que les protoss doivent l'être. Et que tu seras plus apte que moi à leur faire accepter cette nouvelle. Sois fier que je t'aie choisi pour cela, et non vexé que je ne t'ai contacté de suite... je suis ton ami, Feldaris, pas ton serviteur. Mais ensembles, nous oeuvrerons à préparer notre peuple contre cette nouvelle menace. Il a déjà souffert plus que de raison.


HUMAINS : L'INSTINCT

- Chantiers orbitaux du Combinat Kel-Morian-
- Cuirassé Thermopylae en cours d'avarie-

Rayne fixa intensément la plaque de bronze suspendue au-dessus de la cloison blindée, dont l'image dorée se reflétait avec insolence sur la visière de son casque. Derrière lui, avançant prudemment, ses hommes progressaient pas après pas sur une rambarde en fer à l'équilibre instable, dont les lattes léchées par les flammes crissaient de façon inquiétante. Sous eux, un garage transformé en enfer par l'explosion de divers conteneurs, qui avaient répandu leurs contenus embrasés sur le sol, les murs et -à voir les quelques formes qui noircissaient là- les hommes présents. A présent, il s'efforçait de tâter prudemment chaque mètre de passerelle pour le reste de l'équipe, tout en sachant très bien ce qui arriverait si un de ses tests révélait une anomalie... et bien sûr, parce que ç'eut encore été trop simple, il devait s'efforcer de tâter le terrain, analyser la situation et motiver ses hommes sans traîner, parce que les jauges de survie de son armure étaient déjà dans l'orange.

Un fantôme qui serait passé par là n'aurait eu aucun mal à explorer ses pensées car une seule, momentanément, rayonnait de son esprit comme un flash de magnésium... on aurait pu la résumer à : Putain de métier. Mais en beaucoup, beaucoup plus vulgaire.

Il relu pour être sûr... O.S.S. Thermopylae. Une histoire de sources chaudes hein ? Si c'était une vaste blague, on s'était donné beaucoup de mal pour lui... il failli lancer une plaisanterie à ses hommes, mais se repris : d'abord, les sortir de là, ensuite on penserait un peu à leur moral. Il testa la latte suivante, puis s'y engagea avec prudence... encore quelques pas et il fut enfin au niveau de la cloison, qui refusa cinq fois de suite son badge avant de s'ouvrir lentement. Un à un, ses hommes passèrent, et furent bientôt tous en sécurité dans le couloir suivant... il reprit la tête de la colonne, et une goutte de sueur discrète coula dans son coup. Le stress, sûrement. Pourvu que ce soit ça.

Ils empruntèrent une autre série de couloirs, dans lesquels régnait un calme trompeur... Rayne cru un instant se trouver dans une zone épargnée par l'incendie, puis consulta d'un coup d'oeil son moniteur : cinquante-cinq degrés à l'extérieur. Les survivants, si il y en avait, avaient probablement détalés depuis longtemps. A un moment, alors que les hommes passaient sous un conduit d'aération, retentit un bruit de course trépidante qui les fit immédiatement s'immobiliser. Il regarda ses hommes, et lu dans leurs yeux ce qu'il avait lui-même compris : zergs. La menace n'était plus théorique mais avérée, ce qui compliquait encore une tâche qu'il commençait à trouver dangereusement ardue. D'une sélection, il fit s'agrandir le plan du cuirassé : encore quatre coursives avant le poste de commandement, deux seulement si il maintenait son plan de passer par les circuits de secours... mais ce genre d'endroit était le repaire préféré des zerglings. On verrait sur place.

Dès la porte suivante passée, ils revinrent à l'environnement réel du vaisseau : couloirs surchauffés au plafond desquels coulait la fumée brûlante, conduits percés par la pression laissant s'échapper des gaz en furie, parois fragilisées par la chaleur et cachant des brasiers couvant... il se décida à faire baisser un peu le stress de l'équipe : « Si on finit en enfer, les gars, ça nous fera des vacances hein ? J'veux dire, si ils pouvaient faire plus chaud, la note de gaz que ça leur ferait ! ». Quelques flammeurs courageux émirent des rires nerveux, mais c'était raté. Bah, il aurait tenté le coup.

Lorsque la cloison suivante s'ouvrit, son champ de vision fut soudain séparé en deux... suivant ses excellents réflexes, il se rejeta en arrière et pressa la détente de son lance-flamme : la griffe zerg qui visait son crâne vint percuter le haut de sa visière et la fissurer sans gravité, tandis que son propriétaire recevait une livraison express de plasma al dente. Alors qu'il se relevait, un autre zergling escalada sa poitrine et leva les bras pour frapper, tandis que deux autres le survolaient d'un saut et fonçaient vers ses hommes. Il laissa ceux-ci se débrouiller, occuper à sauver sa propre peau, et passa en une demi-seconde un nombre étonnant de plans en revue... avant d'opter pour ce qu'il avait de plus constructif à proposer sur le moment : un énorme direct du droit, qui souleva son agresseur de sa combinaison et dévia assez ses griffes pour qu'elles n'y tracent que des rayures. Se relevant, il fit face à la créature extraterrestre qui, bien plus rapide que lui, s'était déjà rétablie et se préparait de nouveau à frapper. Il dévia l'une des griffes de son poing lance-flamme, et pressa la détente... l'autre lame de chitine vint se ficher dans le ventre de sa combinaison, qui accusa le choc avec un tremblement mécanique. Le zergling, quoique enflammé, se prépara à frapper de nouveau ; action que Rayne contra en plaquant la tête de la bête contre le sol du pied, mettant tout le poids de son armure dans l'action. Le crâne ayant émit le doux craquement qu'il avait espéré, il se permis -sans relâcher la pression sur la bête, au cas où- de regarder ses hommes : l'un d'entre eux portait une belle estafilade oblique sur le torse, mais aucun blessé apparent. L'un des zerglings brûlait au sol comme une chandelle, et aucune trace de l'autre... probablement vaporisé parmi les cendres au sol. Rayne retourna à la silhouette qu'il maintenait au sol, à présent complètement consumée, et se décida à la relâcher.

Avant de repartir, il céda tout de même à la tentation de lui mettre un bon coup de botte au passage. Saleté. Puis il contempla les voyants de survie de son armure : bientôt dans le rouge. Enfin, il parcouru du regard le tunnel de secours qu'il avait espéré prendre comme raccourcis : obscur et étroit. Putain de métier.


ZERGS : LE REPLI

Se resserrant sur lui-même jusqu'à ce que ses plaques dermiques se chevauchent, le zergling n'eu que le temps de tendre ses muscles avant d'être plongé dans l'enfer blanc et hurlant des réacteurs. Le flux torrentiel des ions siffla sur sa carapace en un grondement terriblement puissant et suraigu, audible malgré ses tympans fermés car saturant jusqu'à ses entrailles de vibrations lancinantes. Sa carapace s'effritait comme du sable sous le flux infernal des ions, tandis que son épiderme protecteur saturait des radiations qu'il ne parvenait pas à absorber totalement, générant des bouffées fumantes d'oxygène recyclé aussitôt emportées par le courant... sa température corporelle grimpant en flèche, le zergling sentit ses muscles externe commencer à bouillir, et son minuscule cerveau pourtant peu réceptif à la douleur fut comme déchiré. Des flashs fugitifs le parcoururent tandis que les radiations surpuissantes inondaient au hasard ses cellules nerveuses, alternant brèves pertes de conscience et étranges visions saccadées. Malgré les innombrables agressions qu'il subissait, son métabolisme extraterrestre luttait à tous les niveaux pour temporiser sa désagrégation complète ; générant de nouvelles cellules aussi vite qu'il le pouvait, stabilisant ses fluides vitaux qui menaçaient de bouillir, se cramponnant à la vie avec toute l'obstination puisée dans ses gènes...

Son frère pendant ce temps se déplaçait à toute vitesse dans les conduits d'aération surchauffés, adoptant une démarche étrange où ses pattes touchaient seulement les parois tandis que son corps rasait le sol sans le toucher, évitant la majorité des courants torrides et limitant ses contacts avec le métal brûlant. Cette course, quoique fatigante, l'amena très vite et sans dommages au niveau de son objectif : un conduit complètement déchiré, dont les restes éventrés trônaient comme un cadavre torturé sur le sol d'une des salles de réunion du Cuirassé. Plusieurs marines déterminés se tenaient dans l'encadrure d'une porte, coincé par l'incendie qui régnait derrière eux et tirant sans discontinuer sur l'amas de chaises, de tables et de restes métalliques dans lequel se cachaient les zerglings. L'un d'eux avait bien tenté d'envoyer une grenade, mais son bras se tenait à présent deux mètres devant lui, paume ouverte... les zergs étaient tout simplement trop nombreux, trop rapides, et concentrés dans un trop petit espace. Un status quo endiablé, qui n'avait qu'une issue possible : les griffes des zerglings n'étaient pas, elles, limitées en munitions.

Soudain, aussi brutalement qu'il l'avait happé, l'enfer le recracha. Les rares fragments de sa carapace qui n'avaient pas noircis brillaient comme du cuivre poli, aux reflets rougeâtres, et de petits flambeaux bleuâtres dansaient encore en quelques endroits de son corps où l'épiderme poursuivait son recyclage d'oxygène. Comme une noix qui se brise, il s'ouvrit, libérant un nuage de vapeur issue de certains de ses organes qui avaient littéralement bouillis... ses pattes inférieures n'étaient plus que des rameaux de cendre noircies, et des spasmes l'agitaient tandis que les derniers flashs énergétiques parcouraient son cerveau. Il était en vie, pourtant, quoique à l'extrême limite de ses facultés de régénération. Sa carapace ne le protégeait plus des radiations solaires, mais il ne s'en rendait même pas compte : les couches externes de son corps étaient déjà trop endommagées... la vapeur, s'étant échappée préférentiellement par les ouvertures dans sa carapace, s'y était condensée en une fine couche de cristaux brillants qui protégeait temporairement les tissus exposées... son seul espoir à présent était d'être repéré et récupéré par un Seigneur, en lequel il trouverait tous les composants nécessaires à sa guérison. Espoir faible en plein coeur d'un champ de bataille spatial, d'autant que les humains n'avaient pas encore tous désertés le terrain... un long moment, il flotta dans le vide.

Espoir faible, mais pas vain : un tentacule rougeâtre, épais et noueux, s'enroula finalement autour de lui pour le tirer vers une gueule brillante derrière lequel s'ouvrait un diaphragme complexe. Quelques instants plus tard, il intégrait la sécurité d'un des sacs ventraux du Seigneur, poche froide et humide gorgée d'oxygène et de nutriments où dormaient déjà plusieurs de ses semblables.

Le Seigneur fit demi-tour, et se dirigea vers la longue procession spatiale dont il s'était éloigné... ce qui l'avait poussé à ce détour était une émotion peu commune pour lui, et d'ailleurs limitée par la portée de son intellect. Un humain l'aurait reconnu, lui... la curiosité. Ce petit être aurait dû mourir, c'était une évidence. Intéressant.
PROTOSS : LE DEPART

- Porte-nef protoss Askalar -
- En orbite d'accélération autour de Shakuras -

Assis seul au centre de la pièce, le templier Kassar s'était maintenu depuis le décollage dans un silence et une immobilité totale. A peine discernait-il, derrière ses paupières fermées, l'alternance régulière et rapide de jours et de nuits artificiels que créait le vaisseau en passant dans l'ombre de la planète. Quoiqu'un tel spectacle lui était tentant, vision écrasante et superbe de la planète tournoyant sous le vaisseau qui accélérait, il devait mener ses exercices à bien. L'entraînement avait toujours pris une place importante dans la vie des guerriers protoss, et jamais le programme n'avait été aussi intense que depuis l'invasion d'Aiur. Double objectif, il le savait : préparer les rangs des templier à une guerre sans merci pour reprendre leur monde natal, et occuper leurs esprits pour les maintenir hors de portée du doute. Mais, bien que conscient des nécessités politiques de tels ordres, il jugeait lui-même bon de perfectionner sans cesse son corps et son esprit... les temps à venir allaient probablement lui apporter, comme au reste de son peuple, plus d'une occasion de prouver sa valeur.

Sa séance de concentration terminée, il laissa se relâcher ses muscles puissants, mais garda ses paupières fermées. Etendant peu à peu sa conscience, il s'ouvrit à des perceptions psychiques de plus en plus fines, sentant vibrer les structures cristallines qui parcouraient la pièce d'entraînement, les vortex focalisateurs de ses gants, et même de manière plus diffuse les émanations des esprits de l'équipage. Jamais le lien naturel des protoss, cette part de leur conscience qu'ils partageaient instinctivement entre eux, n'avait été aussi faible depuis l'Âge des luttes. La destruction d'Aiur les avait séparé du plus grand, du plus ancien réseau de la matrice psionique, diminuant sensiblement leur sensibilité psychique à leur environnement... puis il y avait eu la peur qui s'était répandue dans leurs rangs, augmentant naturellement leur individualisme... et voilà qu'à présent ils vivaient sur Shakuras, planète stérile, côtoyant les templiers noirs et leur psychisme presque parfaitement égoïste ! Rien d'étonnant à ce que leurs rangs soient divisés, ce qui se ressentait jusqu'ici, dans les esprits des membres de bord... la toile psychique entre les zélotes de son escouade restait ferme, mais seuls des liens arachnéens existaient entre les khalaïs de l'équipage.

Il revint lentement à lui-même et ouvrit les yeux, diffusant sur son visage une faible lueur. Se levant lentement, il alla se placer jusque devant la coupole de bord, d'où il vit la masse gigantesque de Shakuras qui éclipsait alors le soleil, couronnée d'un bleu froid par cette étoile presque morte. La même lueur habitait, se dit-il, les yeux des hauts templiers... regards glacials de ceux qui comme cette étoile avaient vu défiler trop d'année, dont les pouvoirs restaient terribles mais que le temps avait vaincu. Les restes spectaculaires d'un passé lointain mais condamné, à terme, à l'extinction.

« Voilà une métaphore... » Se dit-il « ...que beaucoup n'apprécieraient pas... »

- Aire de décollage de la Plaine majeure -
- Equateur de Shakuras -

La plaine noire et immense n'offrait aucune limite à la vue, laissant l'oeil glisser dans toutes les directions sur sa surface lisse aux nuances à peine perceptibles. Seuls quelques bâtiments hémisphériques, tours de contrôles à moitié souterraines et couvertes de capteurs, dévoilaient l'influence d'une civilisation aussi avancée que celle des protoss. Le judicateur Feldaris, sa robe noire repliée autour de lui pour le protéger de la fraîcheur ambiante, marchait lentement sur cette plaine sombre, profitant du calme pour ordonner ses pensées.

Kassar partait à présent vers la lune noire de Zeratul, où il espérait découvrir autant d'indices qu'il le pourrait sur la menace qui planait autour d'eux. Un long voyage dans un espace inconnu, et avec la quasi-certitude que Zeratul y avait annihilé la moindre trace de toute installation... mais quelqu'un devait le faire, et nul autre qu'eux deux ne connaissait leur secret. Le judicateur s'immobilisa et leva les yeux, cherchant dans le ciel la lueur vacillante du porte-nef qui emportait son ami. Il ne vit rien... les étoiles de Shakuras étaient bien plus nombreuses et brillantes que sur Aiur, déconcertant son regard. Il se remit à marcher.

« Les étoiles... » Pensât-il « ...c'est notre autre solution. La fuite. Les hybrides n'ont pu être ensemencés partout, leur pouvoir ne saurait atteindre un peuple aux vaisseaux aussi rapides et au psychisme aussi fort que le nôtre. Mais une fois les frontières de la galaxie atteintes, que ferions-nous ? Nous lancer dans le Vide vers l'inconnu le plus total ? » Il secoua la tête. « Si notre peuple réellement devait s'éteindre, ce serait là notre dernière manoeuvre... mais tant qu'il nous restera des forces à jeter contre l'ennemi, il est de notre devoir de résister. Aide-moi, Kassar, aide-nous. Ramène-moi des preuves, et je convaincrais les protoss de ne pas gaspiller toutes leurs forces contre les zergs... car si tu as raison, notre ennemi véritable ne s'est pas encore levé. »

Loin à l'est, un feu bleuté nuancé de violet commença à illuminer l'horizon. L'aube, où du moins la pâle réplique que Shakuras pouvait en offrir, se préparait. Feldaris s'arrêta de nouveau, et songea à tout ce qu'il avait à faire. Il lui faudrait glisser dans ses interventions des indices, suggérer la prudence à tous les conseils auxquels il assisterait, laisser transparaître à ses alliés des fragments de vérité. Il fallait qu'au retour de Kassar, les esprits soient prêts à admettre la nouvelle... celle-ci, si il en négociait habilement les retombées politiques, lui donnerait assez d'influence pour créer sa propre faction, et faire de la poignée de survivants du Conclave qu'il connaissait des chefs politiques. Faire renaître l'instance millénaire serait alors un rêve à portée de la main, et le poste de Judicateur Suprême à sa portée.

Qu'ils réussissent et ils auraient tout. Qu'ils échouent, et tout ce que les protoss avaient édifié au fil des âges pourrait disparaîtrait sans laisser de trace. Comme autour de lui les ombres sous la lueur de l'aube.


HUMAINS : L'ARRIVEE

-Chantiers orbitaux du Combinat Kel-Morian-
-Cuirassé Thermopylae en cours d'avarie-

« Meeeeeerde les mecs je suis... !
- Nom de dieu !
- Amic, allonge-toi je l'arrose ! »
Rugissement de lance-flammes.
« Bouche-moi l'ouverture avec ton gant, tu va cuire abruti !
- ...les mecs... je suis...
- Amic, si tu fermes tes yeux, je vais te chercher en ENFER et je te ramène en te traînant par les parties !
- ...putain je...
- Derrière, Lorne ! »

Bruits métalliques. Nouveaux rugissement des gaz enflammés.

« Je l'ai eu ce con ! Quelqu'un a rejoint Amic ?
- Je suis sur lui, il bouge plus ! Je me connecte à son armure !
- Fais gaffe à ce que tu vas dire...
- Désolé Lorne... il est over.
- Bordel !
- Il te devait une solde, mec ?
- QUI A DIT CA ? Termit, je vais te faire gerber tes tripes... ça fait huit ans qu'on est au coude-à-coude avec lui, merde !
- Ca fait deux ans que les protoss ont fait péter ma planète natale, et je fais chier personne avec ça...
- J'emmerde Chau Sara, Termit ! Et toi tu vas... »

Pendant tout ce temps, le commandant Rayne n'avait fait que hurler des ordres. Il avait vu l'icône d'Amic virer au rouge, transmettre ses derniers mots puis noircir, remplacée par trois petites lettres : K.I.A. Et il avait beau s'époumoner sur son circuit com, ses hommes ne l'entendaient toujours pas. Il aurait voulu, comme chaque fois, pouvoir au moins fermer les yeux de celui qu'il avait mené à la mort.

Cinq longues, très longues minutes depuis que le tunnel de sécurité s'était écroulé sur eux, endommageant son casque et son torse et engloutissant au moins deux hommes. Restaient avec lui deux autres marines, auxquels il ne pouvait pas connecter physiquement son armure puisque son câble avait été arraché. Température extérieure : 85° Celsius, pression 1,6 atmosphères lui confièrent ses senseurs. Charmant. Il hésita une demi-seconde, puis ouvrit son casque. Ses hommes sursautèrent. Gardant son souffle, le visage rougi par l'air surchauffé, il tapota le casque de celui qui lui faisait face, et qui l'imita :

« Transmet-leur ! » L'air vicié gobait ses mots comme un écran, et sa peau le brûlait. « Dis-leur de faire demi-tour et de cesser de se battre ! Qu'ils sortent de là et... » Les poumons complètement vide, il ne parvenait pas à reprendre son souffle dans cet enfer. « ...et...et... on... finit... le... boulot. » Il referma son casque et passa plusieurs secondes immobile, des étoiles dansant à la périphérie de sa vision. Il finit par reprendre son souffle, et fit aussitôt signe au peu d'hommes qui lui restait de le suivre. Il espéra qu'il donnait suffisamment le change pour avoir l'air sûr de lui.

Deux couloirs plus loin, l'une des portes refusa de s'ouvrir... c'était tellement bête, à dix mètres à peine de la salle de commandement, qu'il n'hésita pas à s'acharner sur la porte pendant une longue minute, frappant encore et encore jusqu'à ce que son gant apparaisse « endommagé » sur son écran. Il arc-bouta alors son fusil dans la large ouverture qu'il avait créée, et enfin la cloison s'ouvrit. Deux corps chutèrent, dont l'un n'avait plus de ventre et l'autre de casque ni de tête. Ils en retenaient un troisième, dont le bras gisait seul à quelques mètres de là et dont l'expression aurait fait peur à voir à un civil. Rayne, lui, balaya la pièce du viseur sans paraître affecté... il n'était pas assez optimiste pour croire que ce qui avait fait ça était gentiment parti digérer. Surtout après le boucan qu'il avait fait.

A peine eut-il fait un pas dans la pièce qu'un zergling se laissa tomber sur lui, toutes griffes dehors. Erreur. Un bon soldat devenait rapidement paranoïaque à propos de ce qui pouvait courir au plafond, et Rayne était un bon soldat... il roula sur lui-même, laissant l'extraterrestre se planter sur le sol, et l'un de ses hommes l'incendia avant qu'il ne rebondisse. Lui, se relevant, vit les zerglings se répandre comme des cafards depuis un énorme conduit d'aération brisé ; ils appuyèrent tous les trois sur leurs gâchettes et six énormes jets de feu vinrent purifier cette partie de la pièce. Avançant pas après pas sur les restes chitineux calcinés -et, pour certains, frémissants-, il parvint à l'entrée du conduit et en incendia directement l'intérieur durant plusieurs secondes. Ceci fait, il constata que ses hommes s'était chargés de tout ce qui bougeait encore un tant sois peu, et leur adressa du poing un encouragement. Il se plaça sur le côté de la cloison du poste de commandement, y frappa trois coups et l'ouvrit du solide coup de pied, constatant aux marques de griffes qu'elle avait été forcée auparavant.

Derrière, deux hommes en costume de pilote le tenaient en joue, tandis que celui qui devait être le commandant gardait son pistolet gros calibre braqué sur l'une des armoires métallique de la pièce. Un corps humain s'étalait aux pieds de celle-ci, une belle flaque rouge en guise de lit. L'autre commandant pris la parole :

« Vous avez bien fait de frapper, on a failli tirer à vue ! Refermez vite la cloison, l'unité atmosphérique d'ici tient le coup mais elle est pas loin de saturer ! Il y a un zergling sous cette putain d'armoire, et nous n'avons ni grenade ni armes de gros calibre. On l'a touché deux fois, mais il a sûrement déjà régénéré ça !

- Je m'en occupe de suite, et ensuite je vous évacue. J'ai du pyrostim et des masques, ça va vous assommer mais si on vous prend sur nos dos et qu'on court assez vite, vous serez vivants à l'arrivée. »

Il fit signe à ses hommes d'entrer, puis marcha à pas lent vers l'armoire. S'arrêtant à un bon mètre de là, il se mit brutalement à genou et balaya d'un geste tout le dessous du meuble. Rien. Il mit un instant à comprendre, pas plus, ce qui lui sauva la vie. Il se rejeta en arrière alors que les portes de l'armoire s'ouvraient, libérant des débris de costume et un surtout un extraterrestre furieux aux lames chitineuses pointées sur sa tête. Ses lance-flammes le repoussèrent en plein saut mais ne l'arrêtèrent pas, l'être enflammé bondit de nouveau, sifflant et rugissant. Plusieurs impacts rougeâtres explosèrent alors sur sa carapace brûlante mais il ne fit que hurler de plus belle tout en s'écrasant de toute sa masse sur Rayne, labourant son casque qui crissait. Celui-ci répliqua en plaçant son lance-flamme directement dans la gueule de la créature, qui en profita pour broyer son gant... mais trop tard. Un jet de plasma brûlant se déversa dans la gorge et le cerveau du zerg, et les yeux de la bête brillèrent littéralement durant un court instant. Puis elle s'immobilisa, fumante et brûlante, sa carapace sifflant comme un serpent sous l'assaut des dernières flammes. Son sourire, squelettique et menaçant, était collé à la visière fendillée de sa proie haletante.

Les deux hommes de Rayne eurent un mal fou à détacher le cadavre agrippé à leur supérieur, qui se releva sans faire aucun commentaire. Il avait déjà vu la mort de bien plus près que ça, mais l'adrénaline pulsait avec force dans ses veines dilatées par la chaleur. Après quelques secondes, il se retourna vers les autres et fit :

« Jock, tu ouvre ton armure, tu déconnecte ton circuit com et tu me le file ; à partir de maintenant tu restera juste derrière moi. Soit on agit tous vite et sans hésitation, soit on finit en charbon pour le barbecue de bord. Avec les zergs pour faire les merguez. »


ZERGS : LE RETOUR

La longue caravane spatiale des seigneurs, lentement, se regroupait. Les énormes créatures se rassemblaient peu à peu les unes auprès des autres, dans le parfait silence spatial, en un troupeau insectoïde à l'allure de nuée menaçante. Tandis que leurs corps de chitine s'alignaient les uns auprès des autres, silhouettes grêles aux carapaces brillantes sous la lumière verdâtre de ce soleil, leurs esprits se rapprochaient également les uns des autres en attendant un mystérieux signal, accumulant leur énergie psychique et se préparant à agir. Lorsque enfin la pulsation psionique de leur maîtresse leur parvint, sautant l'espace jusqu'à eux pour s'affranchir des limites de la lumière, ils étaient près à agir.

Chacun, mobilisant les quelques cellules de nydus que comptait son lourd cerveau, y focalisa une partie de l'énergie qu'ils avaient collectivement accumulée et dirigea leur action en un point précis devant leur groupe. La puissance de la Nuée reposait en grande partie sur cet étrange processus, sur lequel les autres races ne possédaient presque aucune information... sous la puissance cumulée des psychismes des seigneurs, version miniature de l'esprit de la Nuée, un vortex psionique de plus en plus puissant fut engendré, d'abord minuscule et tournant sur lui-même presque aussi vite que la lumière, puis grandissant rapidement jusqu'à atteindre plusieurs centaine de mètre de larges, et tournant encore à plusieurs mètres par seconde... la puissance même du maëlstrom le rendit alors visible, courbant la lumière autour de lui et la colorant d'étranges nuances. D'un même élan, les seigneurs se déchaînèrent alors, et leurs esprits percèrent le tourbillon à l'unisson de la pulsation qu'ils avaient reçu. Les cellules de nydus accomplirent alors leur office, pliant l'espace suivant l'angle et la force qu'on leur imposait, déchirant le vortex et ouvrant un tunnel au travers du substrat même de l'univers.

Les seigneurs s'avancèrent les uns après les autres, disparaissant dans la gueule du maëlstrom sans le moindre soupçon de peur, leurs corps déformés juste avant le plongeon par l'extrême torsion du continuum espace-temps. Aucun d'entre eux ne comprenait réellement ce qu'ils venaient de faire, tous ne savaient qu'une chose : à l'instant même, d'innombrables flottes dispersées dans le Secteur Koprulu les imitaient, franchissant les années-lumière sur l'ordre de leur Reine. Ils retournaient sur Char.

Dans le ventre de l'un d'entre eux, un corps frémis. Une étrange douleur lui parvenait, les échos d'un très lointain hurlement lui parvinrent. Des images, des sensations le submergèrent par intermittence... la douleur se fit poignante, il voyait les ennemis qui la lui infligeait tout en sachant qu'ils n'étaient pas devant lui. Le jeune zergling s'agita, se mis à siffler et à agiter spasmodiquement ses lames de chitine. Il déchirait sans voir, pris d'une haine mortelle, heurtait de ses griffes ses frères de couvée, bavait de rage en tentant de happer un invisible ennemi... il sentait la carapace de son frère brûler et les balles traverser ses organes, ses muscles se contractaient sans cesse pour encaisser des chocs fantômes... Le seigneur senti son agitation et les blessures qu'il lui infligeait, il failli avoir la réaction instinctive de se décharger dans le vide de cet être défectueux... mais le Saut était trop proche, déjà l'attraction du maëlstrom faisait vibrer ses membres. En dernier recours, il modifia instinctivement le métabolisme de ses sacs ventraux et y déversa toutes sortes de neuro-inhibiteurs et de toxines métaboliques, prenant le risque de tuer sa cargaison vivante plutôt que de mourir avec... le zergling furieux sentit ses muscles échapper à son contrôle, ses sens s'émousser sans raison. Seule lui parvenait à présent l'atroce vision, qui parvenait à son terme... sentant sa gueule noircie exhaler ses derniers fluides sur la carapace de fer de son ennemi, il vit par des yeux noircis et fumants le visage de celui-ci... puis la vision se flétrit, la rage et la douleur firent place à une impression douloureuse de vide.

Les autres seigneurs virent le corps de leur frère se réduire et s'allonger, lui vit l'univers entier se dilater et s'étirer... même replié comme il l'était, son corps vibrait de plus en plus fort sous les différences de pression entre ses différentes extrémités. Accélérant de plus en plus, il sentit disparaître derrière lui tout un pan de la Galaxie. Dans son ventre, un jeune zerg cédait finalement au sommeil, mais pas au repos. Au plus profond de son esprit anormalement tourmenté, un visage humain se gravait.

Il ne l'oublierait plus.
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